dimanche 23 janvier 2011

Livre de chevet : présentation de la série


Je propose ici à tous ceux qui le voudront bien, de désigner leur livre (corse) de chevet...

Qu'est-ce qu'un "livre de chevet" ?

Je propose ces trois définitions :
- (type 1) c'est peut-être le livre qui, sous l'impulsion du moment, se trouve être régulièrement sous notre main, au haut de la pile, à la tête de notre lit, qu'on lit aujourd'hui, capté, captivé ou qu'on se réserve le soir, histoire de voir, de quoi il retourne...
- (type 2) c'est peut-être le livre qu'on chérit par-dessus tout, celui dont on parle à tous, qu'on offre même, qu'on révère, qu'on relit, et qu'on manipule, sans cesse...
- (type 3) c'est peut-être ce livre souvenir, si bien oublié ou si bien assimilé, peut-être matériellement disparu, introuvable, sinon en nous, celui peut-être auquel on voudra très fortement penser lors des derniers instants de conscience, et emporter, dans la mort...

Je recevrai avec un immense plaisir vos messages, que je publierai ici, sous votre nom, votre pseudonyme ou bien sans nom aucun : l'important, c'est le livre ainsi mis en valeur, et proposé aux yeux de tous. Je rappelle : il s'agit de donner ainsi à voir la littérature corse telle qu'elle est réellement lue et aimée, afin de partager nos visions, parfois contradictoires ; toutes les langues sont les bienvenues, tous les types de livres, de toutes les époques.

Bientôt, un nouveau billet pour évoquer un de mes livres de chevet, du type 1 ("Derrière le fleuve", de Joël Bastard, éditions Al Manar, 2010 ; ah oui, vous avez vu, ses textes seront lus, ainsi que ceux de Stefanu Cesari, par Alain di Meglio et Norbert Paganelli, à l'invitation de Jean-François Agostini et de la bibliothèque de Levie : encore une merveilleuse opération coup de poing de l'extrême sud ! J'espère seulement que vous y serez nombreux à vous régaler et que les pauvres gens comme moi qui ne pourront y être auront droit à un compte rendu détaillé : textes lus, par qui, comment, réactions du public, ambiance, sourires, soupirs, hurlements, fauteuils cassés ou ronflements ? Je veux tout savoir !)

A vos claviers, amis lecteurs, buveurs illustres et bienveillants !

(la photo)

22 commentaires:

  1. aie!! livre "corse" uniquement?

    et si le chevet était couvert d'une pile incroyable, désordonnée et hétéroclite? en vrac, Garcia Marquez "vivre pour la raconter", Kundera "le livre du rire et de l'oubli", Luis Sepulveda "histoire d'une mouette et d'un chat qui lui apprit à voler "(lecture du soir partagée avec ma fille de 11 ans), Sherman Alexie "the absolute true diary of a part time indian"
    et en livres "corses" : la revue Nu(e) avec treize poètes "corses" à butiner (dont Stefanu Cesari un de mes nouveaux favoris) , "Murtoriu" à relire, "a petracori" de Anghjulu Canarelli pas encore vraiment entamé seulement entrouvert, mais qui promet de me prendre aux tripes, et puis des vietnamiens (Kim Thuy la dernière)...

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  2. Francesca,
    tu as bien raison, pourquoi livre "corse" uniquement ?!
    Mais tout simplement parce que ce blog lui est consacré ; mais là où la question me semble très pertinente c'est qu'elle permet de connaître l'environnement littéraire de ces livres corses de chevet et ainsi de mieux apprécier la façon qu'ils ont d'occuper nos esprits.
    J'espère que nous aurons un écho de tes lectures de ces livres (corses, si si) de chevet : "Nu(e)" n° 44 ; "Murtoriu" (qu'est-ce qu'une relecture d'un tel ouvrage, quand on connaît la fin ?) ; "A Petracori" (pas encore eu en main...).
    Non ?

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  3. [0] Loin d’opiner du chef, je récuse vertement les définitions du livre de chevet et la construction des trois types, ce que je me propose de développer en huit point et neuf commentaires.

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  4. [1] Si le chevet désigne la partie du lit où on pose la tête, le livre de chevet est celui qui la reçoit de qui s’endort dessus. On parlera de « livre de fatigue » pour ne pas accabler l’auteur.

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  5. [2] Qui, faute d’oreiller, calerait sa tête, le temps d’un somme, sur un annuaire ou un dictionnaire de belle tomaison, ferait de ce codex un livre de chevet. Qui ne recule point devant les jeux de mots laissant subodorer une certaine culture livresque peut ainsi faire de sa sieste un somme théologique, en la vertueuse compagnie de son bien nommé « livre de somme ».

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  6. [3] La table de chevet est un petit meuble où disposer des objets qu’il convient de garder accessibles depuis son lit. Ces objets de chevet peuvent être n’importe quoi, en fonction des obsessions du dormeur : arme de poing ou livre de poche, scapulaire ou kleenex, verre à dentier ou préservatif. On parlera de « livre de précaution ».

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  7. [4] Par extension, on désignera ainsi un objet que l’on garde en permanence sur soi : une épée de chevet, pour se garder de toute mauvaise rencontre, par exemple. Comme on dit aussi « épée de cuisse », il convient donc, le cas échéant, de parler de « livre de cuisse ». Pour un album relié sous couverture kevlar à l’épreuve des balles, offrant sa protection à qui relâche son attention le temps d’une lecture, on parlera, plus précisément, de « livre de cœur ».

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  8. [5] Par extension de l’extension, on désigne par « livres de chevet » ses livres de prédilection. Qui prendrait la précaution de ne posséder en propre que de tels livres serait bien en peine de tous les empiler à la tête de son lit. Le Journal des Goncourt (1885) rapporte le cas d’un bibliophile qui, pour vanter ses livres, certifiait qu’ils n’avaient jamais été ouverts (p. 438). Que ne dirions-nous pas, alors « livre de conserve » ? Mais, pour ne froisser personne plus qu’aucune page, disons plutôt « livre de prix ».

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  9. [6] Le chevet désigne la partie de la croix recevant la tête du supplicié. Dès lors, le même terme devrait s’appliquer au panier de sciure placé au chef de la guillotine. Voire, au carton qui reçoit les livres mis au rebut par qui décapiterait sa bibliothèque ou décapiterait une quelconque bibliothèque avunculaire dont il aurait hérité. Suggérons d’user alors de « livre de condoléances ».

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  10. [7] Le plan en croix des édifices chrétiens conduit à parler indistinctement de chœur ou de chevet. Est alors livre de chevet le lectionnaire dressé à côté de l’autel, et lu par l’officiant, par opposition aux manuels sur lesquels les fidèles s’emploient à suivre les offices. On reprendra alors à son compte l’élision des libraires, disant de tels livres « les offices ».

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  11. [8] Venant du latin capitium, le chevet n’est, à l’origine, qu’un trou où passer la tête, notamment, celui, unique, d’une tunique. Plus tard, le chevet aurait pu être l’ouverture ménagée dans un panneau décoré que l’on personnalise soi-même en y passant sa propre tête. Si les livres avaient le format des affiches, il serait possible d’en faire des livres de chevet en découpant soi-même l’ouverture permettant de glisser sa tête en couverture. Hélas ! Il faut se résoudre à ne les percer tout au plus que d’un orifice permettant d’y glisser un doigt. Ne serait-ce point un abus que de parler alors de livre de chevet ? Convenons plutôt de dire que le livre a été digitalisé. Qui, par ce trou, passerait le pouce trahirait sa propension à parler de « livre palette ». Par contre, qui en userait pour voir sans être vu serait naturellement enclin à parler de « livre judas ». C’est, très précisément, le caractère capital de cette ambivalente oscillation entre la prépondérance de la main et celle de l’œil qui autorise, dès lors, à parler de « livre de chevet », au sens précis et antique de « livre capital » : un codex offrant au cortex sa béance.
    CQFD.

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  12. Xavier, que voilà une intervention parfaite (augmentation vertigineuse du nombre de commentaires, point de vue contradictoire, ouverture d'horizons, humour et perspicacité) ! Merci.
    Je résume donc : bientôt de nouvelles séries seront ouvertes sur ce blog, si tu permets que je réutilise ta classification, et ce que afin que la littérature corse dans la diversité de ses effets puisse se donner à voir, à lire et à penser :
    - série : Livre de fatigue
    - série : Livre de somme
    - série : Livre de précaution
    - série : Livre de cuisse ou de coeur
    - série : Livre de conserve ou de prix
    - série : Livre de condoléances
    - série : Les offices

    Il suffit de remplir les trous maintenant !

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  13. « Remplir les trous », c'est l'avenir que promet à la littérature sa décomposition en formulaires administratifs. Elle est bien amorcée dans les blogs et la généralisation de la formule « texte court, à la charge de l'auteur, suivi d'un nombre illimité de commentaires à la charge des lecteurs ». Elle est cristalline dans Twitter et sa décomposition de la pensée en une cascade de très brèves fulgurances (150 caractères ?) réduisant la construction collective du texte à un échange de formules attestant de sa connivence avec les émotions du moment et de sa familiarité avec les expressions dans le vent. Parfois émerge l'appel désespéré d'un porteur de pensées démonétisées cherchant dans le monde son double parmi les survivants… Souvent retentit l'appel désemparé d'un administrateur de formulaire rencontrant quelques difficultés à disséminer ses vacuoles, ou quelques déceptions en remontant son chalut public. Changer d'appât ? Reconfigurer la maille ? Tenter sa chance sur d'autres zones ?

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  14. Xavier,
    tu penses donc que ce qui se manifeste sur ce blog et ailleurs n'a aucune valeur réelle ?
    Quand je dis "remplir les trous", c'était pour appeler un lecteur (toi, et d'autres) à discuter des livres corses qui pourraient être qualifiés de "chevet", "somme", coeur", etc...
    Lorsque je place un billet d'appel comme celui-ci, c'est avec l'espoir inflexible qu'il suscitera un écho que je n'avais pas prévu (et le tien fut pour moi de cette catégorie enthousiasmante). Déceptions, difficultés, désemparements doivent bien exister (ils sont les autres signes du désir) mais n'ont pas grand chose à faire ici, de façon visible.

    Pour moi le trésor plus que précieux est celui qui conduit, au milieu des difficultés, à métamorphoser un livre ou un texte via les mots d'un lecteur. Je ne tiens qu'à ça. (Tiens, la lecture de "Berlin Alexanderplatz" par Fassbinder, que l'on trouve à la fin de l'édition Folio de la nouvelle traduction du livre de Döblin me semble une exemple particulièrement réjouissant de récit de lecture qui porte des pensées, bientôt un extrait sur ce blog.)

    "Si continua - coraggio, ricominciamo la lettura !" (dixit Aby Warburg, cité ici-même autrefois, tout tourne en rond dans le cyclamen, etc. etc.)

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  15. Le propos ne porte pas sur tel ou tel blog.
    Ce sont des tendances générales à la standardisation.
    Elles sont fortement liées au caractère très formaté des outils de communication permettant aujourd'hui de mettre en œuvre l'écrit.
    D'un certain point de vue, ça n'a rien de nouveau…

    Un livre de chevet ? Jack Goody, La raison graphique : la domestication de la pensée sauvage. Minuit, 1979.

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  16. curieuse question o FXR : qu'est-ce qu'une relecture de "Murtoriu" quand on connaît la fin? haha

    M'enfin, ce n'est pas un polar! -)
    je constate d'ailleurs autour de moi que la plupart des lecteurs éprouvent ce besoin de le relire : je dois dire qu'avant Biancarelli,je relisais rarement un livre en entier !! Alors que là, j'y reviens, parce que j'ai le sentiment de ne pas avoir tout saisi, il y a une densité, une profondeur, des dimensions que j'ai besoin d'explorer à nouveau, sans ordre précis, en reprenant des passages selon l'humeur du moment ou après d'autres lectures, ou en fonction de mes réflexions de la journée... les rares scènes de bonheur "bucolique", les scènes de guerre, les réflexions sur la douleur ou la solitude des personnages, la dureté de certaines réalités malsaines, la satire de notre société, tant d'autres choses, la profondeur de la vision historique de la mort lente de la Corse, et même le délire intellectuel de Luciferu (pas si fou)...

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  17. Je sais que tu vas jamais faire passer mon commentaire car j'y salue la perspicacité de Francesca. En effet, elle exclue de la catégorie livre de chevet ceux dont la lecture n'a plus aucun sens dès qu'on en connaît la fin. Ceci dit, c'est pas sûr que tous les polars tombent pile poil sous cette définition : on peut relire sans ennui « La Vendetta du Cheik Loukoum », par exemple. Dans le temps, l'Encyclopapier Universalis se terminait sur l'article « Zyzomys », dont, à l'inverse, je ne dirai rien pour ne pas altérer jusqu'à la tuer la curiosité de qui hériterait d'une bibliothèque domestique typique de la fin du siècle dernier. C'était avant l’apparition des « silli books », ces livres bracelets en silicone multicolore, qui réussissent à condenser toutes sortes d'histoires connues dans la simple silhouette de leurs principaux personnages. Imagine une bibliothèque de chevet sous forme de boîte à cigare contenant ta collection de « silli books ». Moi ? Ce soir je passe autour du bras Blancheneige et Paoli, et hop, dodo ! Demain, pour aller bosser, ce sera peut-être, pour niaquer en douce mon DRH, le Che fluo, bien que je connaisse déjà la fin de l'histoire.

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  18. je n'exclue rien, moi...je "scherze" -))))

    "Murtoriu" en silibook, ça donnerait quoi, tiens?

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  19. Comme dirait Berlusconi, « Lo scherzo è bello quando dura poco ».
    Poursuivons donc scherzi a parte.

    FAQ
    [Q] Que donnerait « Murtoriu » en silly book ?
    [R] Bonne question… Ce pourrait être la silhouette (silly wet) d'une cloche en silicone noir mat. Sous réserve de toute antériorité : en effet, la cloche pourrait déjà figurer dans la pochette « Barbie à Pâques » (rarissime) avec l'œuf et le lapin*. À vérifier, donc. Bonne silly quête !

    Une autre question ? Il en reste une en mode démo, après c'est réservé aux abonnés. Ne laissez pas passer l'occasion !

    * Spécial année du lapin
    — Vous voulez vous faire un QI en or ?
    — Déposez l'alphabet chinois silicone avant Mattel !

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  20. Primeau : bonjour lundi prpchain je vais avoir 16 ans et trente deux semaines et j'ai toujours pas de livre de chevet alors que toutes mes copines en ont un et même certaines déjà toute une collec. Ma grosse big question number one : est-ce qu'il me reste encore des chances de redevenir normale ?
    Segondeau : rebonjour ma meilleure grande amie dit qu'elle a été séduite par un livre ça s'est passé hier soir j'attendais son SMS bisou bisou de 21h30 j'ai tenu jusqu'à 21h37 sans pleurer ce matin elle me dit « c'était tellement bon que j'ai plus pensé à rien » me suis vachement maîtrisé j'ai réussi à rester très safe soft « t'as pris tes précautions, j'espère » OUF ! elle m'a juré sur la tête de Livréa (son écureuil) que c'était un silly book. MAIS JE SUIS SURE QU'ELLE MENT. Passons… Ma grosse big question number two : c'est quoi le beauty look que tu me conseilles pour être sûre à sang pour sang de me faire séduire par un livre aujourd'hui impératif avant 21h30 dernier cas raz.

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  21. Mare-Appoline, normalement reste qu'une question en mode démo mais j'aime beaucoup les audacieuses qui te font d'entrée de jeu du deux en un. Pour ton primeau, je peux pas répondre direct. Disons, si c'est normale supérieure, tu conserves tes chances : Chatel a pas encore imposé les silly books dans la biblio de l'agreg mastérisée. Donc, rien de foiré, mais sous réserve : ça réforme vite et sec en ce moment. Pour ton segondeau tu te prends un kit maquillage SITU de marque (sont tous très tendance, mais le must c'est chez Guy Debord Internationnal), tu te fais à jeun un coktail qui déchire (si tu vois ce que je veux dire). Tu te fais une librairie sans poser de question à personne. Tu flaires bien l'ambiance. Tu te laisses bien imprégner. Tu captes la psychologie du lieu. Si t'as bien fait le programme, t'es déjà en transe quand t'a mis la main sur le premier bouquin. Tu n'oublies pas de payer ! Garanti : tu as ton livre de chevet. Bouquin hors de prix ? Faut savoir ce qu'on veut dans la vie. Dis-toi, pour positiver, que t'as économisé la consultation avec ton deux en un ! T'es déjà gagnante ! Fonce ! À l'occase, reviens ici et raconte : faut rester un minimum solidaire avec ceux qui savent pas trop faire avec le format gagnant cœur de cible.

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  22. Pour un terssiô en option : sois toi-même, ô Marie-Appò, en séduction c'est le seul mot d'ordre...et si aucun livre ne te séduit écris-en un, tiens! tu auras une chance sur two qu'il te plaise... Go!

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